La
communauté du Lion de Juda et de l’Agneau Immolé est créée en 1973
par Gérard Croissant, un élève pasteur protestant qui a reçu l’«
effusion de l’Esprit » dans l’Arche de Lanza del Vasto[104].
Gérard Croissant et sa femme fondent une première petite communauté
à Valence en 1974, puis avec d’autres protestants une autre à Cordes
en 1975, le tout inspiré à la fois par la tradition monastique
chrétienne, les racines juives et le souvenir des hippies
soixante-huitards[105].
Gérard Croissant subit aussi l’influence de Marthe Robin qu’il va
voir en 1975 à la suite de visions où il la
voit en conversation avec Lanza del Vasto[106].
Il se convertit au catholicisme, prend le nom de Frère Ephraïm et est
ordonné diacre en 1978[107].
La communauté du Lion de Juda et de l’Agneau Immolé, qui changera en
1991 son nom en celui de communauté des Béatitudes, se développe de
manière importante : en 1982, 12 implantations avec 190 membres
(dont 50 enfants) ; en 1985,15 maisons (dont 6 à l’étranger) et
300 membres ; en 1993,800 membres ; en 1997,50 maisons (dont
plus de 20 en France) et 1200 membres, il y a en 1999, parmi ces
membres, environ 50 séminaristes et 50 prêtres dont certains ont reçu
la charge de paroisses. La communauté réalise des éditions et leur
diffusion (« Logos Diffusion »), et publie une revue mensuelle :
« Feu et Lumière ». Elle a aussi créé des œuvres caritatives.
Comme tout mouvement du Renouveau, l’ex-Lion de Juda bénéficiera de
charismes, avec une préférence pour le charisme de guérison. La
communauté, tout comme celle de l’Emmanuel, recevra d’ailleurs
volontiers le fameux Père Tardif. Certaines guérisons auraient lieu
lors de pèlerinages de la communauté à Lourdes, mais le docteur
Mangapian, qui y dirige le Bureau Médical des Constatations,
déclare : « Lors de chaque pèlerinage de cette communauté, on
entend parler de dizaines de guérisons entre guillemets et de miracles
entre doubles guillemets. Moi, je n’ai jamais été saisi »[108].
Il est vrai que, nous le verrons, les charismatiques refusent le
contrôle de leurs guérisons. Devant les réserves de l’Eglise, la
communauté, comme les autres, parle moins de ses charismes. Elle
reconnaît que les guérisons qu’elle obtient sont plus psychologiques
que physiques. Cependant, un peu dans le même domaine, elle a emprunté
aux pentecôtistes américains la pratique du « repos dans l’Esprit
» : le samedi, des personnes se laissent imposer les mains et
tombent à terre sous la « douche de l’Esprit saint »[109].
Une des
caractéristiques majeures des actuelles Béatitudes, c’est le
sérieux et l’austérité d’une vie communautaire fortement
inspirée de l’exemple des moines, avec la coule et le voile ainsi que
les trois vœux. Les membres de la communauté, dans leurs monastères,
mènent une vie contemplative, avec quatre heures de prière par jour.
La fondation la plus connue est le Monastère de Marthe et Marie de
Béthanie, installée à Nouan le Fuzelier en 1983, et où l’évêque
de Blois a consacré en 1990 une église « Marie Arche de l’Alliance[110]».
Certains
aspects de la vie communautaire du mouvement, comme c’est d’ailleurs
le cas dans d’autres mouvements charismatiques, peuvent paraître
étranges et même inquiétants. Les mêmes établissements accueillent
indifféremment des familles, des célibataires, des religieux et des
religieuses, et même des prêtres. Tous sont placés sous la stricte
discipline d’un « berger » élu, généralement un laïc. Un
reportage télévisé, diffuse en 1986, le montre de façon presque
caricaturale : tandis qu’un « berger » dirige la prière dans
la chapelle, dehors un prêtre s’occupe de la mécanique des
voitures !
Il y a
donc là une hiérarchie qui n’est pas celle de l’Eglise et lui est
donc parallèle. D’autant plus que les nouveaux venus doivent
entièrement se confier, confession incluse, à des « accompagnateurs
», des « leaders » ou « bergers » laïcs ayant autorité. Tout
individu qui manifeste de l’esprit critique ou fait des réserves «
est marginalisé, on ne le connaît plus, il y a dans le Renouveau
charismatique une puissance d’excommunication extraordinairement forte
»[111]. Autre
point sujet à discussion : la vie familiale au sein des
communautés. Les exigences monastiques et la dépendance des parents
sur les plans disciplinaire et financier font reporter en partie sur la
communauté la charge de l’éducation et de l’orientation des
enfants, au détriment des droits et des devoirs de la famille.
Dès
son origine, la communauté a des tendances fortement œcuméniques :
« Catholique, la Communauté des Béatitudes a été soucieuse d’intégrer
le meilleur de la tradition juive, réformée et orthodoxe dans ses
formes de prière et de liturgie »[112].
En
réalité, cet œcuménisme est surtout orienté vers le judaïsme
rabbinique, sous l’impulsion de Frère Ephraïm qui a souvent
séjourné en Israël. La communauté célèbre, outre le dimanche, le
sabbat juif et on y apprend les danses d’Israël[113].
On y étudie les midrachim, qui ne sont que des commentaires rabbiniques
de l’Ecriture, et on se reporte au texte hébreu de la Bible alors que
ce texte a été modifié par les Juifs devant le développement du
christianisme[114].
On a pu décrire la célébration en 1990, à Nouan le Fuzelier, de la
fameuse fête juive des Tentes ou Tabernacles (le Sukkot). Il y a là
800 personnes (catholiques). Tout y est : les pains du sabbat, les
danses sacrées, la nuit passée dans des huttes de branchage[115]. |