Les Charismatiques après la fête - Daniel Raffard de Brienne

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Les Béatitudes, naguère Lion de Juda et Agneau Immolé

La communauté du Lion de Juda et de l’Agneau Immolé est créée en 1973 par Gérard Croissant, un élève pasteur protestant qui a reçu l’« effusion de l’Esprit » dans l’Arche de Lanza del Vasto[104]. Gérard Croissant et sa femme fondent une première petite communauté à Valence en 1974, puis avec d’autres protestants une autre à Cordes en 1975, le tout inspiré à la fois par la tradition monastique chrétienne, les racines juives et le souvenir des hippies soixante-huitards[105]. Gérard Croissant subit aussi l’influence de Marthe Robin qu’il va voir en 1975 à la suite de visions où il la voit en conversation avec Lanza del Vasto[106]. Il se convertit au catholicisme, prend le nom de Frère Ephraïm et est ordonné diacre en 1978[107]. La communauté du Lion de Juda et de l’Agneau Immolé, qui changera en 1991 son nom en celui de communauté des Béatitudes, se développe de manière importante : en 1982, 12 implantations avec 190 membres (dont 50 enfants) ; en 1985,15 maisons (dont 6 à l’étranger) et 300 membres ; en 1993,800 membres ; en 1997,50 maisons (dont plus de 20 en France) et 1200 membres, il y a en 1999, parmi ces membres, environ 50 séminaristes et 50 prêtres dont certains ont reçu la charge de paroisses. La communauté réalise des éditions et leur diffusion (« Logos Diffusion »), et publie une revue mensuelle : « Feu et Lumière ». Elle a aussi créé des œuvres caritatives. Comme tout mouvement du Renouveau, l’ex-Lion de Juda bénéficiera de charismes, avec une préférence pour le charisme de guérison. La communauté, tout comme celle de l’Emmanuel, recevra d’ailleurs volontiers le fameux Père Tardif. Certaines guérisons auraient lieu lors de pèlerinages de la communauté à Lourdes, mais le docteur Mangapian, qui y dirige le Bureau Médical des Constatations, déclare : « Lors de chaque pèlerinage de cette communauté, on entend parler de dizaines de guérisons entre guillemets et de miracles entre doubles guillemets. Moi, je n’ai jamais été saisi »[108]. Il est vrai que, nous le verrons, les charismatiques refusent le contrôle de leurs guérisons. Devant les réserves de l’Eglise, la communauté, comme les autres, parle moins de ses charismes. Elle reconnaît que les guérisons qu’elle obtient sont plus psychologiques que physiques. Cependant, un peu dans le même domaine, elle a emprunté aux pentecôtistes américains la pratique du « repos dans l’Esprit » : le samedi, des personnes se laissent imposer les mains et tombent à terre sous la « douche de l’Esprit saint »[109].

Une des caractéristiques majeures des actuelles Béatitudes, c’est le sérieux et l’austérité d’une vie communautaire fortement inspirée de l’exemple des moines, avec la coule et le voile ainsi que les trois vœux. Les membres de la communauté, dans leurs monastères, mènent une vie contemplative, avec quatre heures de prière par jour. La fondation la plus connue est le Monastère de Marthe et Marie de Béthanie, installée à Nouan le Fuzelier en 1983, et où l’évêque de Blois a consacré en 1990 une église « Marie Arche de l’Alliance[110]».

Certains aspects de la vie communautaire du mouvement, comme c’est d’ailleurs le cas dans d’autres mouvements charismatiques, peuvent paraître étranges et même inquiétants. Les mêmes établissements accueillent indifféremment des familles, des célibataires, des religieux et des religieuses, et même des prêtres. Tous sont placés sous la stricte discipline d’un « berger » élu, généralement un laïc. Un reportage télévisé, diffuse en 1986, le montre de façon presque caricaturale : tandis qu’un « berger » dirige la prière dans la chapelle, dehors un prêtre s’occupe de la mécanique des voitures !

Il y a donc là une hiérarchie qui n’est pas celle de l’Eglise et lui est donc parallèle. D’autant plus que les nouveaux venus doivent entièrement se confier, confession incluse, à des « accompagnateurs », des « leaders » ou « bergers » laïcs ayant autorité. Tout individu qui manifeste de l’esprit critique ou fait des réserves « est marginalisé, on ne le connaît plus, il y a dans le Renouveau charismatique une puissance d’excommunication extraordinairement forte »[111]. Autre point sujet à discussion : la vie familiale au sein des communautés. Les exigences monastiques et la dépendance des parents sur les plans disciplinaire et financier font reporter en partie sur la communauté la charge de l’éducation et de l’orientation des enfants, au détriment des droits et des devoirs de la famille.

Dès son origine, la communauté a des tendances fortement œcuméniques : « Catholique, la Communauté des Béatitudes a été soucieuse d’intégrer le meilleur de la tradition juive, réformée et orthodoxe dans ses formes de prière et de liturgie »[112].

En réalité, cet œcuménisme est surtout orienté vers le judaïsme rabbinique, sous l’impulsion de Frère Ephraïm qui a souvent séjourné en Israël. La communauté célèbre, outre le dimanche, le sabbat juif et on y apprend les danses d’Israël[113]. On y étudie les midrachim, qui ne sont que des commentaires rabbiniques de l’Ecriture, et on se reporte au texte hébreu de la Bible alors que ce texte a été modifié par les Juifs devant le développement du christianisme[114]. On a pu décrire la célébration en 1990, à Nouan le Fuzelier, de la fameuse fête juive des Tentes ou Tabernacles (le Sukkot). Il y a là 800 personnes (catholiques). Tout y est : les pains du sabbat, les danses sacrées, la nuit passée dans des huttes de branchage[115].

[104] A. de Lassus, note 71.

[105] Peyrous et Catta, note 79.

[106] A. de Lassus, note 71.

[107] Abbé Coiffet, note 11.

[108] A. Dewailly, note 26, p. 91.

[109] Même référence, p. 64.

[110] Feu et Lumière, n° 77, septembre 1990. 66

[111] Présent, n° 1589, 4 juin 1988.

[112] Peyrous et Catta, note 79, p. 255.

[113] Abbé Coiffet, note 11, p. 103 à 108.

[114] La Bible trahie, note 31.

[115] Famille Chrétienne, n° 662, 20 septembre 1990.

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