Si tous
les grands conciles se sont dits « œcuméniques » parce qu’ils se
voulaient universels[42],
Vatican II a entendu le mot « œcuménisme » d’une tout autre
manière. Dans l’esprit de ce concile, il ne s’agit plus de réunir
en une même assemblée (si ce n’est pendant les sessions du concile)
tous les évêques catholiques du monde, mais d’aboutir à la réunion
de toutes les religions, comme cela se fera lors du très discutable
congrès d’Assise en 1986.
Certes,
l’œcuménisme post-conciliaire cherche surtout à réaliser un
rapprochement avec les églises chrétiennes non-catholiques et, plus
loin, avec les autres « religions du Livre ». Mais le décret de
Vatican II sur l’œcuménisme va jusqu’à admirer les « valeurs
spirituelles, morales et socio-culturelles qui se trouvent » chez les
non-chrétiens[43].
L’Eglise « considère avec un respect sincère » les règles morales
et les doctrines de leurs religions[44].
Ainsi donc, ce qui ne peut être qu’erreur aux yeux de l’Eglise,
détentrice de la vérité révélée, doit nous paraître
admirable ! Tous les hommes honnêtes ont droit au respect, même s’ils
professent avec sincérité des erreurs qui, elles, n’ont droit ni au
respect ni à l’admiration de l’Eglise. Dans la mesure où ces
hommes égarés ne troublent pas l’ordre public, on peut ou on doit
tolérer leurs pratiques religieuses. Mais cela ne justifie aucunement
la « liberté religieuse », proclamée par Vatican II[45]
en contradiction avec l’enseignement de l’Eglise[46].
Cette « liberté religieuse » équivaut à un prétendu « droit à l’erreur
», une notion fausse très répandue de nos jours : l’erreur
peut être excusable ou même inévitable, elle ne repose sur aucun
droit. Il appartient, certes, aux catholiques de chercher à réunir
tous les hommes dans l’unique Eglise du Christ. Mais cette unité ne
peut se faire que dans la vérité, et non dans l’équivoque et les
coupables concessions. Si le Christ a dit : « II n’y aura qu’un
seul troupeau et un seul pasteur »[47],
il a aussi indiqué l’unique moyen d’y parvenir : « Allez
enseigner toutes les nations, les baptisant au nom du Père et du Fils
et du Saint-Esprit, leur enseignant à pratiquer tout ce que je vous ai
commandé »[48]. C’est
à ce moyen qu’ont recouru les apôtres, les saints et tous les
missionnaires jusqu’à nos jours.
L’œcuménisme
post-conciliaire a préféré privilégier les discussions
interreligieuses, au détriment de l’appel aux conversions
individuelles, alors que le salut des âmes est, lui, individuel. La
recherche des conversions est flétrie de l’appellation péjorative de
« prosélytisme ». Les rapprochements entre les religions doivent
être collectifs et il est pratiquement admis que chacun doit rester
dans sa religion pour y faire son salut. Certaines déclarations
imprudentes font même de certaines fausses religions des voies de
salut, alors que la doctrine de l’Eglise précise bien que, si des
hommes peuvent se sauver tout en pratiquant une fausse religion, ce n’est
pas grâce à cette fausse religion (au contraire), mais grâce à leurs
vertus et à leur recherche de Dieu[49].
C’est le sens de la maxime : « Hors de l’Eglise, pas de
salut», dont Vatican II a, une nouvelle fois, rappelé l’enseignement[50].
Le
moderne œcuménisme s’inscrit dans la pensée teilhardienne et
post-teilhardienne[51].
Selon cette pensée, dans un premier temps, l’homme sorti de l’animalité
accède à un sentiment religieux. Puis, il va concevoir diverses
religions avec leurs dogmes inconciliables entre eux. Au stade suivant
de l’évolution, ces dogmes se relativiseront au point que l’humanité
pourra marcher d’un même pas vers une sorte de religion universelle
qui ne sera plus guère qu’une religiosité. On peut voir un reflet de
cette pensée dans les très récentes déclarations de l’évêque de
Troyes, telles que rapportées par la presse[52].
Selon cet évêque : « Le slogan "hors de l’Eglise, point
de salut !" est bel et bien dépassé ». Ou
encore : « On ne peut plus dire qu’une religion est meilleure qu’une
autre. La vérité est au-dessus de ça ».
Le
Renouveau charismatique s’est engouffré dans la brèche ouverte par
cet œcuménisme-là. Il était d’autant mieux disposé à le faire
que, comme nous le verrons, il vient
directement du protestantisme et que l’« effusion de l’Esprit »
(alors appelé : « baptême dans l’Esprit ») a été
communiquée aux catholiques par des protestants.
Il y
aura en outre dans le Renouveau certains cas de mélange de cultes,
malgré les prescriptions du droit canon: « il n’est pas permis de
prendre une part active quelconque au culte des non-catholiques »[53].
On peut voir dans ces mélanges de cultes, comme aussi dans une
recherche d’indépendance par rapport à la hiérarchie cléricale,
une certaine volonté de dépasser les Eglises institutionnelles. Comme
le disaient en 1969 déjeunes membres du Renouveau : « Le
christianisme institutionnel, protestant comme catholique, a échoué de
façon patente à trouver les mots pertinents pour parler à l’homme
moderne de son salut... Nous croyons que le baptême dans l’Esprit,
avec les dons qu’il confère, s’adresse de façon radicale à l’homme
séculier »[54].
Le
Vatican, si favorable au Renouveau qu’on peut le vouloir, a tout de
même rappelé en 1988 qu’ il ne faut pas chercher l'« unité de l’Esprit
au détriment de l’Eglise visible du Christ »[55]. |