Les Charismatiques après la fête - Daniel Raffard de Brienne

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L’« œcuménisme »

Si tous les grands conciles se sont dits « œcuméniques » parce qu’ils se voulaient universels[42], Vatican II a entendu le mot « œcuménisme » d’une tout autre manière. Dans l’esprit de ce concile, il ne s’agit plus de réunir en une même assemblée (si ce n’est pendant les sessions du concile) tous les évêques catholiques du monde, mais d’aboutir à la réunion de toutes les religions, comme cela se fera lors du très discutable congrès d’Assise en 1986.

Certes, l’œcuménisme post-conciliaire cherche surtout à réaliser un rapprochement avec les églises chrétiennes non-catholiques et, plus loin, avec les autres « religions du Livre ». Mais le décret de Vatican II sur l’œcuménisme va jusqu’à admirer les « valeurs spirituelles, morales et socio-culturelles qui se trouvent » chez les non-chrétiens[43]. L’Eglise « considère avec un respect sincère » les règles morales et les doctrines de leurs religions[44]. Ainsi donc, ce qui ne peut être qu’erreur aux yeux de l’Eglise, détentrice de la vérité révélée, doit nous paraître admirable ! Tous les hommes honnêtes ont droit au respect, même s’ils professent avec sincérité des erreurs qui, elles, n’ont droit ni au respect ni à l’admiration de l’Eglise. Dans la mesure où ces hommes égarés ne troublent pas l’ordre public, on peut ou on doit tolérer leurs pratiques religieuses. Mais cela ne justifie aucunement la « liberté religieuse », proclamée par Vatican II[45] en contradiction avec l’enseignement de l’Eglise[46]. Cette « liberté religieuse » équivaut à un prétendu « droit à l’erreur », une notion fausse très répandue de nos jours : l’erreur peut être excusable ou même inévitable, elle ne repose sur aucun droit. Il appartient, certes, aux catholiques de chercher à réunir tous les hommes dans l’unique Eglise du Christ. Mais cette unité ne peut se faire que dans la vérité, et non dans l’équivoque et les coupables concessions. Si le Christ a dit : « II n’y aura qu’un seul troupeau et un seul pasteur »[47], il a aussi indiqué l’unique moyen d’y parvenir : « Allez enseigner toutes les nations, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, leur enseignant à pratiquer tout ce que je vous ai commandé »[48]. C’est à ce moyen qu’ont recouru les apôtres, les saints et tous les missionnaires jusqu’à nos jours.

L’œcuménisme post-conciliaire a préféré privilégier les discussions interreligieuses, au détriment de l’appel aux conversions individuelles, alors que le salut des âmes est, lui, individuel. La recherche des conversions est flétrie de l’appellation péjorative de « prosélytisme ». Les rapprochements entre les religions doivent être collectifs et il est pratiquement admis que chacun doit rester dans sa religion pour y faire son salut. Certaines déclarations imprudentes font même de certaines fausses religions des voies de salut, alors que la doctrine de l’Eglise précise bien que, si des hommes peuvent se sauver tout en pratiquant une fausse religion, ce n’est pas grâce à cette fausse religion (au contraire), mais grâce à leurs vertus et à leur recherche de Dieu[49]. C’est le sens de la maxime : « Hors de l’Eglise, pas de salut», dont Vatican II a, une nouvelle fois, rappelé l’enseignement[50].

Le moderne œcuménisme s’inscrit dans la pensée teilhardienne et post-teilhardienne[51]. Selon cette pensée, dans un premier temps, l’homme sorti de l’animalité accède à un sentiment religieux. Puis, il va concevoir diverses religions avec leurs dogmes inconciliables entre eux. Au stade suivant de l’évolution, ces dogmes se relativiseront au point que l’humanité pourra marcher d’un même pas vers une sorte de religion universelle qui ne sera plus guère qu’une religiosité. On peut voir un reflet de cette pensée dans les très récentes déclarations de l’évêque de Troyes, telles que rapportées par la presse[52]. Selon cet évêque : « Le slogan "hors de l’Eglise, point de salut !" est bel et bien dépassé ». Ou encore : « On ne peut plus dire qu’une religion est meilleure qu’une autre. La vérité est au-dessus de ça ».

Le Renouveau charismatique s’est engouffré dans la brèche ouverte par cet œcuménisme-là. Il était d’autant mieux disposé à le faire que, comme nous le verrons, il vient directement du protestantisme et que l’« effusion de l’Esprit » (alors appelé : « baptême dans l’Esprit ») a été communiquée aux catholiques par des protestants.

Il y aura en outre dans le Renouveau certains cas de mélange de cultes, malgré les prescriptions du droit canon: « il n’est pas permis de prendre une part active quelconque au culte des non-catholiques »[53]. On peut voir dans ces mélanges de cultes, comme aussi dans une recherche d’indépendance par rapport à la hiérarchie cléricale, une certaine volonté de dépasser les Eglises institutionnelles. Comme le disaient en 1969 déjeunes membres du Renouveau : « Le christianisme institutionnel, protestant comme catholique, a échoué de façon patente à trouver les mots pertinents pour parler à l’homme moderne de son salut... Nous croyons que le baptême dans l’Esprit, avec les dons qu’il confère, s’adresse de façon radicale à l’homme séculier »[54].

Le Vatican, si favorable au Renouveau qu’on peut le vouloir, a tout de même rappelé en 1988 qu’ il ne faut pas chercher l'« unité de l’Esprit au détriment de l’Eglise visible du Christ »[55].

[42] Dérivé du verbe grec oikeô, "habiter", oikouménê (sous-entendu: gê) signifie: "la terre habitée", donc "l’univers".

[43] Décret Nostra aetate, 2.

[44] Ibid.

[45] Constitution Lumen gentium, 16.

[46] Daniel Raffard de Brienne, Les voies étranges de l’oecuménisme (Chiré, 1989). Et : Abbé Bernard Lucien, Etudes sur la liberté religieuse (Forts dans la Foi, 1990).

[47] Jn 10, 16.

[48] Mt 28,19-20. Id. en substance : Me 16,15.

[49] Par exemple : Sommaire de théologie dogmatique (Bien Public, 1969), etc. Et : Père E. Hugon: Hors de l’Eglise point de salut ? (Clovis, 1995).

[50] Constitution Lumen gentium, 16.

[51] Voir note 12.

[52] Le Républicain Lorrain, 31 mai 2000.

[53] Code de droit canon publié par Benoît XV, canon 1258.

[54] Kepel, note 3, p. 164.

[55] Déclaration de Mgr Cordes, octobre 1988.

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