Les Charismatiques après la fête - Daniel Raffard de Brienne

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Les réactions de la hiérarchie de l’Eglise

Les différentes confessions protestantes ont longtemps manifesté leur hostilité au pentecôtisme et ne se sont finalement résignées à l’admettre que devant l’ampleur et la persistance du mouvement. La hiérarchie de l’Eglise catholique, d’abord plutôt réticente, hésitera beaucoup moins longtemps à accueillir le Renouveau. D’une part, le relativisme et l’« œcuménisme » post-conciliaires ne la prédisposaient pas à de subtiles distinctions. D’autre part, et surtout sans doute, la désertion d’une foule de prêtres, la vacuité des séminaires et la désertification des églises ne pouvaient que lui faire juger opportune l’arrivée de jeunes prêtres zélés et de fidèles pieux et enthousiastes, même si les croyances et les pratiques des uns et des autres pouvaient au moins surprendre. Le Renouveau fait volontiers état d’encouragements que leur ont adressés à plusieurs reprises les papes lors d’audiences à Rome. Ainsi Paul VI s’interroge-t-il le 19 mai 1975 : « Ce Renouveau spirituel ne pourrait-il être une chance pour l’Eglise et pour le monde ?» Le 11 décembre 1979, Jean-Paul II dit aux membres du Bureau International de Communication du Renouveau : « Je suis convaincu que ce mouvement est une composante très importante du Renouveau spirituel de l’Eglise ». Il renouvellera ce type de déclarations en 1980, 81 et 84[86].

On peut atténuer la portée de ce genre d’approbations en remarquant qu’elles font partie du langage diplomatique pontifical. Ainsi Jean-Paul II a-t-il pu déclarer aux luthériens : « Je viens à vous vers l’héritage spirituel de Martin Luther ; je viens comme un pèlerin ». Ou aux calvinistes de Taizé : « L’Eglise a besoin de votre présence et de votre participation ». On pourrait citer d’autres politesses adressées à la Trilatérale, à Nelson Mandela...[87].

Il serait juste de citer quelques mises en garde dont, semble-t-il, on parle moins. Paul VI déclare le 16 janvier 1974 : « On prétend faire de son jugement personnel ou, comme il arrive souvent, de son expérience subjective, ou encore de son inspiration du moment, le critère qui oriente sa religion... comme s’il s’agissait d’un don charismatique ou d’un souffle prophétique... Nous aurions alors un nouveau "libre examen" ». Le 23 novembre 1981, Jean-Paul H, s’adressant aux membres du Renouveau, évoque : « Poids excessif donné par exemple à l’expérience sentimentale du divin, recherche immodérée du spectaculaire et de l’extraordinaire, complaisance pour les interprétations hâtives et erronées de l’Ecriture »[88]. Il faut ajouter à cela des mises en garde émises, sans grande efficacité semble-t-il, par le Vatican : nous en avons vu une au sujet de la participation de catholiques à des cultes protestants; nous en rencontrerons une autre à propos du charisme de guérison. Les évêques, pour leur part, ont d’abord manifesté une certaine méfiance. A l’exception, toutefois, du cardinal Suenens qui, après avoir été un des plus efficaces inspirateurs du Concile qu’il comparaît à « 1789 »[89], s’était fait « baptiser dans l’Esprit » et appartenait aux instances internationales du Renouveau. On note sa présence, et aussi celle de Mgr Elchinger, au rassemblement de Strasbourg de 1982. En octobre de cette même année 1982, Mgr Marcus, évêque de Nantes, présente à l’assemblée des évêques français à Lourdes un rapport modéré sur le Renouveau où sont tout de même évoqués les pièges du mouvement et les problèmes non résolus qu’il soulève[90]. En 1983, l’épiscopat français charge Mgr Duchêne, évêque de Saint-Claude, de suivre les charismatiques. De 1983 à 1985, les évêques dont les diocèses abritent des communautés charismatiques (catholiques) reconnaissent celles-ci comme « associations de fidèles »[91], avec toutefois des statuts variés[92]. Est-ce à dire que toutes les réserves épiscopales ont alors disparu ? Sans doute pas, car, si le cardinal Lustiger se rend au rassemblement du Bourget de la Pentecôte 1988, il n’emploie pas une seule fois dans son discours le mot « charismatique ». Mais, quelles que puissent être les réticences épiscopales, il faut bien considérer que, si l’on ordonnait en France environ 700 prêtres par an jusqu’en 1966[93], ce chiffre s’est ensuite effondré et que, s’il a pu remonter modestement à 140 en 1975, le tiers des effectifs venait des séminaires du Renouveau[94].

[86] A. de Lassus, note 71.

[87] D. R. B., note 2.

[88] Pour ces citations : A. Dewailly, note 26.

[89] Ralph M. Wiltgen, Le Rhin se jette dans le Tibre (Le Cèdre, 1975).

[90] A. de Lassus, note 71.

[91] Ibid.

[92] La Croix-L’événement, 17 mai 1994.

[93] Lex orandi, note 30.

[94] A. Dewailly, note 26.

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