Des
pentecôtistes soutiennent, sans le moindre fondement, que le baptême
dans l’Esprit n’est que la reprise d’une pratique apostolique
fâcheusement abandonnée par l’Eglise depuis de nombreux siècles. On
retrouve dans ce désir de retour à l’antiquité un procédé
proprement révolutionnaire que Pascal dénonçait déjà dans le
domaine politique. Selon Pascal, en effet, «l’art de fronder,
bouleverser les Etats, est d’ébranler les coutumes établies, en
sondant jusque dans leur source, pour marquer leur défaut d’autorité
et de justice, il faut, dit-on, recourir aux lois fondamentales et
primitives de l’Etat qu’une coutume injuste a abolies. C’est un
jeu sûr de tout perdre »[149].
C’est par ce même procédé, qui consiste à rechercher des usages
périmés sans tenir compte ni de leur ancien contexte ni donc de leur
véritable signification, pas plus que de l’approfondissement de la
doctrine et de l’enrichissement des rites, que des « réformateurs »
de tous les temps ont voulu modifier l’Eglise et l’ont abandonnée
pour n’être pas parvenus à lui faire admettre leurs idées
déviantes. Les protestants n’ont pas agi autrement au XVIe siècle,
et c’est parmi eux qu’à la fin du XIXe apparaît ce baptême dans l’Esprit
qu’ils transmettront ensuite aux catholiques. Peut-on admettre que les
protestants puissent ainsi transmettre aux catholiques des pouvoirs d’origine
divine, sans même que cela n’entraîne pour eux aucun retour à l’unique
Eglise du Christ ? Peut-on croire que Dieu ait confié à ces gens,
qui ont quitté l’Eglise détentrice de l’unique vérité, la
mission d’apporter un nouvel enseignement et une nouvelle voie de
salut aux membres de cette Eglise ? Si oui, il faudrait chercher la
véritable Eglise dans le protestantisme et inciter les charismatiques
catholiques à le rejoindre, puisque le Christ n’a voulu qu’un seul
troupeau que doivent regagner les brebis égarées. On rencontre ici une
nouvelle difficulté puisque le pentecôtisme est né, non pas dans une
seule « église » protestante, mais en même temps dans des groupes
appartenant à diverses confessions protestantes aussi éloignées, ou
peu s’en faut, les unes des autres que de l’Eglise catholique.
Dans le
passage, avec les mêmes effets pour tous, de l’effusion de l’Esprit
de protestants à catholiques et même de croyants à non-croyants,
faut-il voir un simple indifférentisme, absurde sur le plan de la
raison, ou plutôt l’ambition de créer une super-Eglise coiffant
toutes les confessions ?
La
deuxième réponse semble évidente si l’on se fie aux paroles
adressées en 1984 par un évêque yougoslave, Mgr Franic, aux
franciscains charismatiques de Medjugorje : « Je vois naître sous
nos yeux une nouvelle Eglise : l’Eglise du Saint-Esprit C’est
cela, je crois, la Pentecôte dont parlait Jean XXIII convoquant le
Concile... Le rôle de Medjugorje, je le vois surtout dans ce
rapprochement avec les frères des autres Eglises, avec les frères
orthodoxes, les musulmans et même les frères marxistes. Notre-Dame
rayonne ici uniquement l’amour... Notre but à nous... est de
fortifier notre foi en Dieu et en l’homme... et de poursuivre par l’apologie
de la théologie et des pratiques charismatiques »[150].
On
retrouve là, une fois de plus, les thèses des Montanistes, des
Joachimites et de bien d’autres, sur l’ouverture d’une ère du
Saint Esprit succédant à celle du Christ. Or nous savons que ces
thèses sont rejetées par l’Eglise comme erratiques et ne peuvent
donc être inspirées par le Saint Esprit.
Une
question s’impose alors. Baptême dans l’Esprit, effusion de l’Esprit,
peut-être. Mais de quel esprit s’agit-il ? |