En
lisant les récits des apparitions, et notamment l’un des premiers dû
à un franciscain charismatique de Medjugorje[208],
on ressent un certain malaise à la découverte d’un grand nombre de
bizarreries ou de détails de goût douteux. On a l’impression de se
trouver devant une grandiose caricature de Fatima. A Fatima, les trois
enfants se voient confier trois secrets ; la Gospa de Medjugorje en
révèlent des dizaines à ses six voyants. La fameuse danse du soleil
dont 70 000 personnes ont été les témoins à Fatima se reproduit le 2
août 1981 à Medjugorje, mais les cent cinquante témoignages
recueillis divergent totalement : les témoins ont vu à la place
du soleil, qui un coeur, qui une hostie, qui une croix, avec ou sans
accompagnement d’anges ou de ballons de couleurs ![209]
La première apparition se produit le 24 juin 1981 sur une colline
proche de la bourgade. Chaque jour sera désormais marqué d’une
apparition de la Gospa qui formera un « groupe de prière » avec ses
six voyants, des enfants et adolescents de 11 à 19 ans. Le récit des
apparitions révèle des détails qui frisent parfois le ridicule ou le
mauvais goût. Exemple de ridicule : la Gospa obligée de changer
plusieurs fois de place parce que les gens qui ne la voient pas marchent
sur son voile. Exemple de mauvais goût : les pèlerins invités à
« toucher » la Gospa (invisible pour eux) et le faisant au point de
noircir son voile. Au début, donc, l’apparition quotidienne a pour
cadre la colline. Puis elle a lieu un peu partout: dans l’église, au
presbytère, dans les champs ou les maisons où se trouvent les voyants.
Le pouvoir communiste se montre hostile ; il deviendra coopératif
lorsqu’il se rendra compte que les pèlerins étrangers apportent des
devises.
Quant
au lieu des apparitions, la Gospa, on le voit, accepte tout. « Dans le
courant de février 1982, on demande aux enfants de venir à l’église
pour y recevoir leurs visions. Et c’est là, depuis lors, que les
visions ont lieu : dans une petite pièce attenante au sanctuaire,
en face de la sacristie »[210].
C’est discret et commode ! Une lettre adressée au pape le 2
décembre 1983 par le Père Vlasic donne des détails bien intéressants[211].
On y apprend qu’en 1982 l’une des voyantes a vu apparaître Satan
sous l’aspect de la Gospa. Elle a repoussé ses tentations et la vraie
Gospa est venue. D’après les voyants, « ces apparitions sont les
dernières apparitions de la Vierge sur la Terre. C’est la raison pour
laquelle elles sont si longues et si fréquentes »[212].
En fait, elles précèdent un « signe visible » qui sera annoncé par
trois avertissements. Le « signe visible » sera suivi de près par un
événement redoutable qui affectera le monde entier. « Après le signe
visible, ceux qui resteront en vie auront peu de temps pour la
conversion »[213].
Près de vingt ans ont passé. Le signe n’est toujours pas visible.
Les apparitions quotidiennes, devenues très brèves il est vrai, se
comptent par milliers. Que dit la Gospa au cours de ses milliers de
visites ? Ce qui domine, ce sont des appels à la conversion et à
la pénitence. Mais on relève aussi beaucoup de propos anodins,
généralement très plats. Et encore des nouvelles du sort de personnes
décédées, des promesses de guérison pour des malades dont certains n’en
meurent pas moins. Des problèmes religieux sont abordés, de manière
souvent puérile et, nous allons le voir, parfois erronée. Pour l’anecdote,
notons le baiser incongru de la Gospa au portrait du pape et la manière
dont la Gospa évalue le nombre des pèlerins, non sans, selon un usage
répandu, le gonfler largement. On guérit beaucoup à Medjugorje, mais,
comme pour toutes les guérisons charismatiques, aucun dossier ne fait l’objet
de contrôles. Au bout de quelques années, l’évêque de Mostar a pu
cependant se faire remettre une cinquantaine de dossiers de ces
guérisons et les a soumis au bureau des constatations de Lourdes. Ce
bureau n’en a retenu aucun. |