Nous l’avons vu,
l’attente du règne du Saint-Esprit
appartient à une prédiction résurgente née en marge de l’Eglise
catholique. Tout cela s’explique facilement. Des trois personnes de
la Trinité, le Père est l’auteur de la création ; on
pourrait dire que bibliquement son règne coïncide avec l’Ancien
Testament. Le Fils, c’est Jésus, le Sauveur, auteur du Nouveau
Testament. Pour les catholiques, le Saint Esprit a apporté sa
lumière aux hommes à la Pentecôte et, depuis, éclaire et soutient
l’Eglise et les fidèles.
Les ésotéristes
et les marginaux de l’Eglise voient les choses autrement. Pour eux,
Dieu le Père a bien tout créé. Dieu le Fils a apporté un message d’amour
qui a heureusement dominé, plus ou moins complètement, les deux
derniers millénaires, mais sa mort sur la croix n’est-elle pas,
somme toute, le signe d’un échec ?
Le Saint Esprit, c’est le défenseur, l’intercesseur.
Il est donc le recours, celui qui transformera le monde resté
imparfait malgré le sacrifice du Christ. Il apportera aussi la
connaissance de toutes choses, la « gnose »,
comme il en a donné un avant-goût à la Pentecôte.
Le protestantisme
offrait un excellent terrain à la germination et au développement de
ces pensées, et plus précisément à ceux du «
pentecôtisme ». Alors que l’Eglise catholique impose à ses
fidèles un corps de doctrine dont chaque élément, une fois défini,
est immuable, les protestants jouissent du « libre examen », c’est-à-dire
de la faculté pour chacun d’étudier la Bible à son gré et d’en
tirer les enseignements qu’il pense justes ou qui lui conviennent.
Ainsi, non seulement Luther traite la raison de « putain du diable »
et écarte donc toute apologétique, mais, grâce à une fausse
interprétation de l’Epître aux Romains,
il élimine aussi l’utilité des œuvres et fait reposer le salut
sur la seule foi-confiance.
Les Adventistes tireront parti des mots : « les morts dorment
», rencontrés dans la Bible, pour nier la survie de l’âme à la
mort du corps dans l’attente de la Résurrection.
Les Témoins de Jéhovah multiplieront les entorses aux textes de la
Bible et à leur interprétation.
Ces quelques exemples montrent comment la Réforme a pu exploser en
une multitude d’« églises » et de « dénominations » aux
croyances divergentes. En outre, chaque fidèle de toute « église »
ou « dénomination » peut ou pourrait se bâtir son Credo personnel
en fonction de ses propres interprétations. Le terrain était donc
tout prêt à accueillir les vieilles croyances sur le règne du Saint-Esprit,
ainsi que le relativisme, le sentimentalisme et la recherche du
sensible.
Il n’est pas
surprenant que, dans des conditions si favorables, aient surgi dans le
monde protestant des groupes illuministes prétendant bénéficier d’extases,
de visions, de prophéties. Tel fut le cas, dès le XVIe
siècle, des anabaptistes, avec Jean de Leyde. Dans une moindre
mesure, car moins extravagants, on peut citer les Frères Moraves, une
secte ancienne qui s’est rapprochée de Luther avant de diverger de
nouveau. Les Quakers, fondés au XVIIe
siècle par George Fox, ont pour particularité « sensible » de
trembler en priant. Les méthodistes, créés par John Wesley au XVIIIe
siècle, recourent aussi à diverses sortes d’expériences
spirituelles.
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