Les Charismatiques après la fête - Daniel Raffard de Brienne

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Les origines du Renouveau charismatique

Nous l’avons vu, l’attente du règne du Saint-Esprit appartient à une prédiction résurgente née en marge de l’Eglise catholique. Tout cela s’explique facilement. Des trois personnes de la Trinité, le Père est l’auteur de la création ; on pourrait dire que bibliquement son règne coïncide avec l’Ancien Testament. Le Fils, c’est Jésus, le Sauveur, auteur du Nouveau Testament. Pour les catholiques, le Saint Esprit a apporté sa lumière aux hommes à la Pentecôte et, depuis, éclaire et soutient l’Eglise et les fidèles.

Les ésotéristes et les marginaux de l’Eglise voient les choses autrement. Pour eux, Dieu le Père a bien tout créé. Dieu le Fils a apporté un message d’amour qui a heureusement dominé, plus ou moins complètement, les deux derniers millénaires, mais sa mort sur la croix n’est-elle pas, somme toute, le signe d’un échec ? Le Saint Esprit, c’est le défenseur, l’intercesseur[61]. Il est donc le recours, celui qui transformera le monde resté imparfait malgré le sacrifice du Christ. Il apportera aussi la connaissance de toutes choses, la « gnose »[62], comme il en a donné un avant-goût à la Pentecôte.

Le protestantisme offrait un excellent terrain à la germination et au développement de ces pensées, et plus précisément à ceux du « pentecôtisme ». Alors que l’Eglise catholique impose à ses fidèles un corps de doctrine dont chaque élément, une fois défini, est immuable, les protestants jouissent du « libre examen », c’est-à-dire de la faculté pour chacun d’étudier la Bible à son gré et d’en tirer les enseignements qu’il pense justes ou qui lui conviennent. Ainsi, non seulement Luther traite la raison de « putain du diable »[63] et écarte donc toute apologétique, mais, grâce à une fausse interprétation de l’Epître aux Romains[64], il élimine aussi l’utilité des œuvres et fait reposer le salut sur la seule foi-confiance[65]. Les Adventistes tireront parti des mots : « les morts dorment », rencontrés dans la Bible, pour nier la survie de l’âme à la mort du corps dans l’attente de la Résurrection[66]. Les Témoins de Jéhovah multiplieront les entorses aux textes de la Bible et à leur interprétation[67]. Ces quelques exemples montrent comment la Réforme a pu exploser en une multitude d’« églises » et de « dénominations » aux croyances divergentes. En outre, chaque fidèle de toute « église » ou « dénomination » peut ou pourrait se bâtir son Credo personnel en fonction de ses propres interprétations. Le terrain était donc tout prêt à accueillir les vieilles croyances sur le règne du Saint-Esprit, ainsi que le relativisme, le sentimentalisme et la recherche du sensible.

Il n’est pas surprenant que, dans des conditions si favorables, aient surgi dans le monde protestant des groupes illuministes prétendant bénéficier d’extases, de visions, de prophéties. Tel fut le cas, dès le XVIe siècle, des anabaptistes, avec Jean de Leyde. Dans une moindre mesure, car moins extravagants, on peut citer les Frères Moraves, une secte ancienne qui s’est rapprochée de Luther avant de diverger de nouveau. Les Quakers, fondés au XVIIe siècle par George Fox, ont pour particularité « sensible » de trembler en priant. Les méthodistes, créés par John Wesley au XVIIIe siècle, recourent aussi à diverses sortes d’expériences spirituelles.

[61] En grec, paraklêtos, qui veut dite aussi "avocat".

[62] En grec, gnôsis, c’est très exactement la "connaissance".

[63] Jacques Maritain, Trois réformateurs (Pion, 1925), p. 46.

[64] Paul, Rom. St Paul y parle des oeuvres imposées par la loi mosaïque et non des oeuvres en général.

[65] La Foi Catholique (L’Orante, 1977); Ivan Gobry, Luther (La Table Ronde, 1991); etc..

[66] Souvenir de l’auteur.

[67] N. Hesse et J.F. Blanchet, Si les Témoins de Jéhovah viennent vous voir. (Téqui, 1992).

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Le Pentecôtisme protestant