Les Charismatiques après la fête - Daniel Raffard de Brienne

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Quelques précisions sur la notion de vérité[56]

On le voit, dans l’esprit de nos contemporains, la notion de vérité est devenue très vague. On admet couramment que chacun possède sa propre vérité et, si l’on se permet parfois de reconnaître qu’il existe des vérités meilleures que d’autres, on ne peut pour autant légitimement exclure une vérité plutôt qu’une autre. Ou bien si, à la limite, en matière religieuse, on admet une certaine unicité de là vérité, cette vérité n’est que l’addition de fragments détenus par chaque religion. En fin de compte, la vérité se confond avec l’opinion et est légitimée par la sincérité (ou par la piété en matière religieuse). Elle est relative et modifiable à volonté. L’erreur aussi, par voie de conséquence. Tout cela résulte d’une véritable perversion de l’intelligence, dont on voit les résultats avec l’émergence d’idéologies dans le domaine politique[57], comme avec le relativisme, le sentimentalisme et le pseudo-œcuménisme dans le domaine religieux. Cette perversion de l’intelligence, développée au cours des derniers siècles surtout, depuis la Réforme, provient de ce que l’on appelle le libéralisme, un mot qui désigne une doctrine prônant la libération de la pensée par rapport aux contraintes extérieures. L’intelligence ne cherche plus la vérité dans l’objet, c’est-à-dire dans ce qui est, mais entend la trouver en elle-même, c’est-à-dire à l’intérieur du sujet déconnecté du réel. D peut surgir ainsi au même moment et au même endroit autant de « vérités » qu’il y a de sujets. Mais, « qu’est-ce que la vérité ? », demandait Pilate, grand ancêtre des libéraux[58]. La vérité, c’est l’adéquation de la pensée à la réalité. Or, comme la réalité est unique, il ne peut y avoir qu’une seule vérité et elle est absolue. Certes, la vérité peut être différente selon les lieux et les temps, dans la mesure où la réalité est elle-même différente. Par exemple, on peut dire « il fait chaud » à l’équateur et « il fait froid » au pôle (les notions de chaud et de froid correspondent à des critères fondés sur la réalité). Mais, si l’on émet plusieurs « vérités » au sujet d’une même réalité, c’est que toutes ces « vérités », en dehors, au mieux, d’une seule, sont des erreurs qu’il faut débusquer et éliminer. Comment pouvons-nous connaître la vérité ? D’abord, en scrutant la réalité telle que nos sens physiques nous la font connaître. Les sens constituent nos seuls liens avec l’objet, le réel, sur lequel ils nous apportent des informations. Ces informations ne suffisent pas en elles-mêmes, elles peuvent même être erronées, le résultat d’illusions.

C’est alors que l’intelligence intervient. Aidée de la mémoire qui lui apporte des références, elle procède en trois étapes. Première étape : la formation des idées ; il s’agit d’un travail d’abstraction qui tend à sonder la nature des choses et à les définir. Deuxième étape: le jugement qui permet d’apprécier et de classer les idées (il s’agit toujours ici d’idées dégagées de la réalité et non d’idées créées par le sujet). Enfin, le raisonnement enchaîne les idées entre elles par analogie, par induction ou, le plus souvent, par déduction. Bien sûr, l’erreur peut surgir à n’importe quel niveau du processus. D’où la nécessité de procéder sans cesse à des contrôles. En ce qui concerne les vérités révélées, objets de la foi, elles ne sont directement accessibles ni aux sens ni à l’intelligence. On ne pourra donc pas les rechercher par les mêmes moyens que les vérités naturelles[59]. Doivent-elles pour autant être laissées aux aléas d’éventuelles « expériences sensibles » ou à une adhésion purement sentimentale et subjective ? Non pas. Ce qui peut être recherché, c’est la vérité de la révélation par le moyen de l’apologétique[60].

L’apologétique, qui s’adresse à l’intelligence, fournit les bases de la crédibilité et de la crédentité de la révélation et de son contenu. Elle amène à l’acte de foi qui requiert l’adhésion de l’intelligence. Et cet acte de foi entraîne l’acceptation de l’ensemble des vérités révélées (ou proclamées, chacune avec sa note théologique), sans qu’il soit permis ni même simplement logique d’en rejeter, d’en relativiser ou d’en passer sous silence (serait-ce pour un motif « œcuménique »). On voit combien tout ceci se trouve contredit par la position de Luther, initiateur de cette Réforme dont la mentalité moderne est tributaire et dont les protestants qui y trouvent leur origine fonderont le Pentecôtisme, lui-même géniteur du Renouveau catholique. Pour Luther, l’intelligence était la « putain du diable » : Pour trouver Dieu, il fallait, selon lui, le sentir et réduire la foi à la confiance.

[56] Sur ce problème : Daniel Raffard de Brienne, II n’y a qu’un seul Dieu (Chiré, 1991).

[57] Daniel Raffard de Brienne, Le deuxième étendard (Chiré, 1985).

[58] Jn 18, 38

[59] La réalité unique se décomposant en une multitude de réalités concrètes, chacune unique dans son domaine, on peut ici parler de ‘Vérités’ au pluriel.

[60] Voir notre livre cité dans la note 56.

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Les origines du Renouveau charismatique