Les
plus grands mystiques, souvent favorisés eux-mêmes de mystérieux
phénomènes physiques, réprouvent cependant tous dans leurs écrits la
recherche du sensible.
Saint
Jean de la Croix, dans La montée du Carmel, explique que, au cours du
chemin de l’ascension vers la contemplation, on ne rencontre « nada
» : « Rien, rien, rien, rien. Et sur la montagne, rien ».
Pour lui, l’union avec Dieu, c’est le dépouillement, la
contemplation de « rien » de sensible, il va même jusqu’à
recommander de rejeter toutes les manifestations d’origine
surnaturelle, même si elles sont bonnes. Une de ses préfacières
commente : « Pour atteindre l’essence de Dieu, qui est au-delà
de toute représentation sensible, qui surpasse de l’infini toute
image et tout sentiment, il faut passer au-delà de toute image et de
tout sentiment »[35].
On trouve le même enseignement chez sainte Thérèse d’Avila qui
précise que, si une âme reçoit des signes extérieurs, elle doit agir
comme s’il n’y en avait pas[36].
On raconte que si une de ses religieuses ressentait un phénomène
mystique, elle lui conseillait de « prendre un bon bouillon ».
Saint
François de Sales est tout aussi net : « La dévotion ne consiste
pas en la douceur, suavité, consolation et tendreté sensible du cœur,
qui nous provoque aux larmes et soupirs, et nous donne une certaine
satisfaction agréable et savoureuse en quelques exercices spirituels...
Il y a beaucoup d’âmes qui ont de ces tendretés et consolations, qui
néanmoins ne laissent pas d’être fort vicieuses »[37].
Pour
saint Louis Marie Grignion de Montfort, les « dévots extérieurs » «
n’aiment que le sensible de la dévotion, sans en goûter le
solide ; s’ils n’ont pas des sensibilités dans leurs
pratiques, ils croient qu’ils ne font plus rien »[38].
Saint
Alphonse de Liguori écrit : « Qu’elles se consolent donc, ces
âmes chères à Dieu, résolues à lui appartenir sans réserve mais
qui sont privées de toute joie spirituelle »[39].
Et il cite le cas de sainte Jeanne de Chantai qui en a été privée «
durant quarante et un ans »[40].
Saint Thérèse de l’Enfant Jésus fut, elle aussi, privée de
consolations sensibles : « Ne croyez pas que je nage dans les
consolations ; oh ! non, ma consolation, c’est de n’en pas
avoir sur la terre »[41]. |